Épître 25
J’ai de la parole qui pousse comme le bourgeon boute sous les assauts de sève. J’ai un verbe qui fleuve sous la pierre de la source, à la margelle du puit. Chaque feuille de vert tendre invite à l’écriture du Cantique des Cantiques, le feuillage est bréviaire, la canopée psautier du Grand Silence. Gémissement de branche. Chaque feuille en reliure d’arbre tourne la page d’un livre de vie. Il y a les rondes et les blanches d’un solfège grégorien qui éclosent une à une en une liturgie de bouche à bouche. Le chant généralisé monte de la terre dans la rotonde de ciel clair soutenue par de puissants arbres. Quand le dernier sera abattu, le ciel s’effondrera sur nos têtes. Tant qu’il y aura des arbres sur la terre, le ciel restera suspendu au ciel. Planter un arbre c’est consolider l’axe du monde. Fortifions nous de la parole des arbres. Une parole par saison proférée chaque année de plus haut. La forêt est le lieu de la musique sur un xylophone de pluie. Je vis de cette musique qui traverse les flancs boisés de la montagne. Je suis bien.
La foudre est mon évangile, le tonnerre mon lutrin. Les oiseaux autour de moi pépient la Bonne Nouvelle à un tapis de camomilles romaines. Certaines nuits anniversaires, la Sainte Baume monte en droite ascension de ciel. Je me souviens de mon corps, le jour revenu. A moins que ce ne soit le surlendemain. L’ordre est mon sentier, le temps mon cilice. Il me revient le goût de naître. Et de retrouver mon Bien-Aimé, au centre du soleil.