Épître 19
Je suis immobile depuis quelques lunes
aujourd’hui une bergeronnette s’est posée sur ma tête
On me confondrait à un tronc d’arbre
dans mon apparat de rameaux tressés.
Je suis immobile telle une gisante
assise en triangle sur le sommet du massif
de Sainte Baume
mon beau vaisseau de pierre
navigant sur la crête du quaternaire.
Je suis immobile, un vœu que rien ne saurait délié
ni le vent, ni la foudre ni la nuit ni la pluie
pétrifiée dans la seule gloire du soleil.
Je sors de la nuit par la gargouille du crépuscule
car je suis maintenant
fondue dans la lumière
sans source.
Un de mes noms d’amour susurré
par la bouche de Iéschoua
était Sandhya
Il me disait l’avoir rapporté d’orient
plus précieux qu’une épice rare
et signifiant cette lumière crépusculaire
d’après le coucher du soleil.
Je comprends maintenant qu’il me préparait
à sa Pâque, à son passage d’invisibilité, de gloire
et d’invincibilité.
Je le relie ce nom à cet autre dont il me baptisa
secrètement dans une coulée de nuit d’amour :
Zohar
Zohar, autre moment d’une lumière d’aube
précédant l’émergence rouge du pain azyme circulaire
sur la ligne d’horizon
Je quitte le jour par l’aurore
et m’enfonce dans la nuit sans rémission d’étoile
depuis que l’immobilité extatique m’a envahie.
Je souris imperceptiblement
extase de Zohar
enstase de Sandhya
La bergeronnette n’a pas conscience
qu’il y a de l’humain sous son poitrail
à faire son nid dans ma chevelure
je vais envoyer des oisillons
en déguisement de concept ailé
Je suis l’immaculée Conception
d’un sourire d’enfant
Je connais la neige rare de la Méditerranée du nord
à tourner à l’envers du rayonnement des jours
de crépuscule en aurore
Je suis immobile laissant le Seigneur œuvrer
dans mon temple, les vitraux de mon cœur
clos sur le mystère de cette chambre nuptiale
Ah oui ! cœur battant à l’unisson de toutes les sources
mais lente, si lente cognée
qu’on dirait le fond de la mer.
Le fond de la mer
dans le creux des paumes ramassées en coquillage
au jusant de la Sainte Baume.